Chronique couches

​Je pense l’avoir déjà claironné, rugi et bafouillé moult fois, à toutes les sauces stylistiques que mon humble tête de pioche d’écrivant est en mesure de pondre, certes. Pas de quoi m’empêcher, pour autant, d’en remettre une couche ; vous connaissez la bête. Jamais avare en radotages copieusement épicés, concernant mon désamour vis-à-vis des grandes villes. La faute à cette surcharge de béton, à cette surpopulation dont on ne peut se soustraire, sans avoir à jouer des coudes pendant des heures, synonyme de débauche de connerie prodiguée à tour de bras, de brouhahas à décibels multiples, d’odeurs de diesel nauséeuses à abhorrer, et autres douceurs de circonstances ayant tendance à me scier les nerfs façon pilon. Et le fait est que ça ne s’arrange pas ; ni avec l’âge, ni avec cette foutue mode du couvre-feu qui fleurit dans le pays depuis des lustres. J’ai récemment fait l’expérience d’un séjour en région parisienne, après quasi dix années d’abstinence, et c’est bien pire qu’avant, je confirme. Et à quoi ça servirait, d’abord, une ville sans resto, sans troquet, sans terrasse, sans ciné, sans théâtre, sans concert, sans danse, sans festival, sans sourire, sans musée ? Quelqu’un pourrait me dire ? Oui ok : à tenter d’éradiquer un virus à la noix qui, à défaut de décimer la bêtise humaine, commence sérieusement à me titiller méchamment le courroux. D’autant plus, lorsqu’une envie pressante en vient à me tirailler la vessie, jusqu’à la lancination absolue. 

​Car oui, il se trouve que je sirote de l’eau chaude à foison, et que je n’ai guère l’habitude de me retenir pour aller uriner mon surplus de breuvage, par chez moi. Le jardin, la campagne, la mer, la prairie, la forêt ; les pissotières, même, parfois, lorsque le grain et la tempête sévissent un tantinet trop dru pour ma tendre caboche d’homme des toits. Sauf que la situation se tend un brin, en pareil cas, au sein d’une mégapole confinée. S’agirait pas de déployer sa stouquette au grand jour, par les temps qui courent, ça tombe sous le sens. Sans le moindre bar, ni dame-pipi à la ronde, susceptibles de vous donner les moyens de vous soulager le supplice, je peux vous dire que l’expérience peut facilement virer au drame. Sans parler du fait qu’avec les hectolitres que je m'échinais à contenir présentement, je me serais facile noyé, si je m’étais pissé dessus. Bon, je vous rassure, malgré le ballet incessant de la flicaille, chargée de nous rappeler les règles de cette sinistrose à entraves plurielles, je suis néanmoins parvenu à ouvrir les vannes de mon chaos intérieur, au fin fond d’une ruelle « pas tibulaire » mais tout comme, en limitant les dégâts comme j’ai pu – on ne contient pas un torrent ! Tout juste une ch’tiote salve postillonnaire de rien du tout, ricochant sur ma pompe droite, rien de plus. Mais je peux vous dire que c’était chaud bouillant, le bazar. Le pire, dans tout ça, c’est que j’aurai très bien pu finir en garde à vue, pour une connerie pareille. Parce que, évidemment, je me serais emporté, si je m’étais fait amender pour souillage intempestif de voie publique, exhibitionnisme outrageux, ou je ne sais quel autre délit salement citadin. En leur reprochant, à coups sûrs, le fait de ne même pas être foutus de disposer de toilettes officielles anti-Covid, dans leurs véhicules de patrouilles à la gomme. Avec des mots blessants, j’en mets ma verve à couper. Bref, ça aurait forcément dégénéré, je me connais. La ville me rend chafouin, con, hargneux, arrogant. C’est pas nouveau…

​Cette aventure m’aura au moins appris à ne jamais plus omettre de prévoir un arsenal de couches culottes, pour mes éventuelles prochaines divagations urbaines au court cours ; c’est déjà pas si mal. L’expérience au service de la vessie, en somme… J’en suis fort aise. 

Sur ce, à bon entendeur, la bise à vous !!!