Ça faisait un sacré bail, mine de rien, que je ne m’étais point plié à l’exercice de la chronique. La faute à ce roman que je suis en train de bidouiller, présentement, et qui, comme d’hab’, aurait la fougueuse tendance à transformer ma pomme d’écrivant en monomaniaque absolu. Ce ne sont pourtant pas les sujets à croquer qui manquent, ces temps-ci ! Pas un jour sans son lot de grand n’importe quoi voué à m’allumer le courroux, dès potron-minet. Les nouvelles du monde ne s’arrangent pas, c’est le moins qu’on puisse dire. L’indécence fleurit à chaque coin de mesure gouvernementale, de prise de parole, de bilan, rapport à ce qui nous pend au nez, et nous reste de semblant de liberté. Et c’est habituellement mon terreau à pochades favori, j’avoue. Une bonne manière de ne pas méchamment péter les plombs, surtout. D'extérioriser mon indignation, mon impuissance. Oui, sauf que là j’ai pas le temps ; j’ai roman…
Mais le 26 novembre n’est pas une date comme les autres. C’est l’anniversaire de ma Kroll. Ça méritait bien une pause. Un p’tit coucou, un mot doux, un brin d’hommage. Plus de sept ans que t’es partie, déjà ! J’en reviens pas… Tu manques toujours autant à ta tribu, en tout cas. M’est avis que, si tu revenais ce week-end pour fêter tes cinquante deux balais, on serait un paquet à venir sabrer le champagne et le Gwenaval avec toi, jusqu’à pas d’heure. Ah bah oui mais non ; j’suis con, moi ! J’oubliais qu’on était en guerre. Qu’on n’avait plus le droit de sortir de chez nous, plus de droit de se voir, de se parler, sans écrans interposés, de se balader à plus d’un kilomètre de chez soi, de s’embrasser, de se réunir, de trinquer, de partir en vacances, de se faire un resto… Même plus la liberté d’aller visiter sa belle, son amoureuse, quand elle a le malheur de crécher loin de sa tanière, t’as qu’à voir… J’suis bien placé pour en parler, c’est pile poil ce que je vis, en ce moment, et ça fait un mal de chien. D’autant qu’elle est plus que top, ma nouvelle aimée. Une endanseuse de vie, une fée, belle à tomber. Elle t’aurai plu, c’est sûr.
Bref, t’hallucinerais, si tu voyais ce qu’on vit. En gros, il ne nous reste plus que le droit de bosser – et encore, pas tous –, et de fermer nos gueules. De payer des amendes, à la rigueur, pour ceux qui peuvent ; et basta ! C’est d’une tristesse abyssale. Nos pseudos-sachants-gouvernants ne nous tiennent plus que par la trouille. Tout ça pour combattre un foutu virus qui, jusqu’à preuve du contraire, fait largement moins de victimes que la misère qu’ils s’échinent à entretenir, aux acquis sociaux qu’ils se régalent à piétiner et détricoter à tout va. On en arriverait presque à les applaudir des genoux, maintenant, lorsqu’ils daignent relâcher un tantinet la bride, et nous accorder la chance de pouvoir remplir nos frigos, d’être autorisés à se balader sur une plage, de se choisir un bouquin à la bibliothèque ou en librairie, de se payer une tranche de ski ou de raquettes, chez les poteaux haut-alpins, un concert, un ciné, un apéro à la Renverse… Le tableau est sinistre. Même si, comme toujours, moi ça va, je te rassure. J’ai même l’impression d’avoir quinze ans, ses derniers mois, amour oblige. Pis j’ai l’écriture, aussi. Sans parler de mon statu de privilégié, que tu connais par cœur, et qui me facilite grandement le confinement, je confirme.
Voilà voilà les nouvelles de chez nous. Les chenapans ailés du jardin se joignent à moi pour te souhaiter un sublime anniv’, en espérant que tu puisses fêter ça dignement. Profites en pour claquer une bise au Tof, à Lipefi, Papou et les autres, si tu les croises; si toutefois vous avez encore le droit de vous embrasser, bien sûr…
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