Chronique émotion

​Aujourd’hui est un grand jour ! Un de ceux qui, dès potron-minet, sans l’once d’un zeste de somation, jouissent de l’extraordinaire faculté de me faire bourgeonner la belle humeur, de m’activer les zygomatiques à la joie. À peine avais-je amorcé une timide ouverture de paupières, avec mise en route engourdie, certes, mais non moins active, de mes trois fidèles vaillant neurones que, déjà, je débordais d’enthousiasme. L’origine de cette jovialité résultant d’un petit bonheur simple, comme je les adore, que seul un radieux printemps sait faire. Ça faisait déjà un petit moment, me direz-vous, que je songeais à ressortir, de mon armoire fourre-tout, cet accessoire de saison sans lequel la gambette est claustrée. Sauf que, jusqu’à présent, il avait beau faire beau, ça caillait quand même sévère à l’extérieur de ma chaumière. La faute à ce petit vent nord-nord-est glacial méritant amplement ses trois pulls, lorsqu’il s’agissait de frotter le bout de son nez aux sentiers côtiers du quartier. Et là, avant même la mise en branle de mon premier tour de jardin, j’ai senti que c’était bon. Que je pouvais enfin, de ce pas encore un tantinet ensuqué par le sommeil des justes, enfiler mon fidèle short, en vue de m’aérer les cannes, option doigts de pinceaux en éventail, histoire de parfaire le tableau.  

​Le p’tit père en question végétait sans doute depuis le mois d’octobre dernier, parmi sa fratrie de textile hétéroclite estivale. C’était comme si il m’attendait. Prêt à l’emploi. La ceinture déjà raccordée à sa taille qui, oh miracle, cadrait encore à merveille à ma bedaine de quinqua killer de sifflard. J’étais trop bien, ainsi fagoté dans cette nippe. Léger, libre, désinvolte, décontracté du séant. Même mes paluches semblaient ravies de pouvoir retrouver l’usage de ses larges poches confortables qui, du reste, abritait encore un nécessaire à quotidien qui chante : paquet de mouchoirs, même pas usagés, billet de dix balles chiffonné, plus une poignée de piécettes qui vont bien, un briquet, un calepin à chroniques et son fidèle stylo, et oh miracle ! – j’en ai encore la larme à l’œil –, mon tout premier masque anti-Covid, confectionné par ma môman à moi, datant d’un temps où ce genre d’étoffe ne bénéficiait nullement de la côte gouvernementale actuelle ; loin s’en faut. Non efficace, non réglementaire et, surtout, beaucoup trop épineux à enfiler pour être honnête, dixit certains sachants. Les temps changent, indubitablement… Ça m’a ému comme jamais, de retomber sur sa pomme. C’est qu’on en a fait, des trucs, tous les deux, avant que je puisse disposer d’un lot de masques fournis par l’éducation nationale, délicatement aromatisés, à l’époque, d’un fumet de zéolites synthétiques – substance un chouïa joueuse, semble-t-il, concernant la santé de ses sujets. Mais passons… Le fait est qu’on a largement eu le temps de cultiver une relation fusionnelle à bisous, dont on ne ressort pas indemne. La preuve, je n’ai pas pu m’empêcher de le réenfiler dans la seconde, en savourant la suavité de ses replis… Un pur délice !  Restait juste à m’aviser de le retirer avant la dégustation de ma première eau chaude, histoire de ne point gâcher l’avenant caractère de cette journée qui démarrait en fanfare, par une sotte bévue de débutant baveur ; c’eut-été ballot…  

Sur ce, à bon entendeur, la bise à vous !